C’est la fin de l’année 2013, le temps des fêtes et aussi celui des bilans ! Il est temps de faire une petit point sur les découvertes qui ont marquées l’année 2013. A cette occasion, AILERONS vous propose un résumé en français d’une sélection de 13 découvertes importantes, originales, insolites sur les requins toutes publiées au cours de l’année. Au vu de cette liste non classée et loin d’être exhaustive, nous pouvons clairement nous dire le 31 Décembre : « Vivement 2014 ! »
1) Un requin bouledogue à deux têtes
Suite à la pêche d’une femelle gravide en Floride, les scientifiques ont mis en évidence le premier cas d’embryon de requin bouledogue à deux têtes.
2) Les requins citron retournent sur leur lieu de naissance pour mettre bas
Suite à une étude de près de 20 ans, une équipe de chercheurs du célèbre laboratoire de Bimini ont mis en évidence grâce à la génétique que des juvéniles échantillonnés revenaient sur leur lieu de naissance à l’âge adulte. Au moins 6 femelles nées entre 1993 et 1997 sont retournées sur leur lieu de naissance pour mettre bas 14 à 17 années après leur naissance. C’est le premier cas de philopatrie mis en évidence chez les chondrychtiens !
3) Les requins océaniques réalisent de grandes migrations mais ont tendance a passer une majeure partie de leur temps dans des eaux protégées
Le marquage de 11 individus dans les Bahamas (encore !) a permis de mieux connaitre la répartition horizontale et verticale du requin longimane (Carcharhinus longimanus). Reste à dire maintenant si les requins restent réellement dans les zones protégées (zone blanche sur la carte) où la pêche est illégale, ou si ces zones ont été tout simplement bien pensées …
4) Certains requins de grandes profondeurs utilisent des sabres lasers pour se défendre !
Claes et al. ont mis en évidence chez le sagre commun, appelé également épineux de fond (Etmopterus spinax), la présence de photophores, ensemble de cellules (photocytes) créant de la lumière, au niveau de l’épine dorsale défensive de l’espèce. Cette bioluminescence aurait selon les auteurs un rôle de protection contre la prédation. Effectivement, la lumière produite a été décrite comme décelable par les prédateurs potentiels à plusieurs mètres de distance ce qui pourrait avoir un rôle de mise en garde et donc de dissuasion contre une éventuelle attaque.
5) Une nouvelle espèce de requin marteau
Bienvenue à Sphyrna gilberti sp. nov., une nouvelle espèce de requin marteau, dite cryptique. Ainsi on ne peut les reconnaitre que par des critères morphologiques internes (ici le nombre de vertèbres) ou par la génétique. Surement le début d’une longue série de nouvelles découvertes !
Plus d’infos sur notre précédent article : « Une nouvelle espèce de requin découverte en Caroline du Sud »
6) Les requins peuvent apprendre les uns des autres
L’apprentissage social est peu étudié chez les requins et a pourtant été mis en évidence chez de nombreuses espèces. Il s’agit de l’acquisition de comportements au cours de la vie de l’individu via l’observation de ses congénères. Améliorer sa capacité à s’alimenter, à survivre, à se reproduire, sont les principales raisons de l’acquisition de nouveaux comportements. Si ces comportements améliorent significativement la fitness d’une espèce, soit globalement sa capacité à transmettre ces gênes, alors ils peuvent perdurer de génération en génération et intervenir directement dans la sélection naturelle des individus. Tel est l’un des postulats de l’écologie comportementale. Dans le cadre de cette étude, des juvéniles de requins citrons (Negaprion brevirostris) ont été soumis a des exercices d’alimentation. L’expérience a montré que des animaux ne connaissant pas l’exercice mais observant et évoluant avec des animaux qui le connaissaient apprenaient beaucoup plus vite que seuls ou avec des individus non exercés. Ceci met en évidence le rôle de la vie sociale des requins pour cette espèce dans l’évolution des comportements à l’échelle d’une génération ainsi que leur capacité d’adaptation.
7) Comment une apnée peut elle sauver un embryon de requin ?
Nous savions que les requins étaient capables grâce à une multitude d’électrorécepteurs appelés ampoules de Lorenzini de détecter le champ électrique de leurs proies potentielles. Cependant, ce que nous ne savions pas avant la publication des travaux de Kempster et al., c’est que cette faculté incroyable pouvait être utilisée dès le stade embryonnaire de certaines espèces ovipares. C’est ce qui a été démontré pour le requin-chabot bambou Chiloscyllium punctatum. Effectivement, il s’est avéré qu’en émettant des signaux électriques semblables à ceux de prédateurs potentiels, les embryons, au sein de leur capsule, ont montré une capacité à arrêter tout mouvement branchial respiratoire. Des apnées salvatrices dont l’objectif a été bien entendu décrit comme une stratégie d’évitement inée de la prédation. La sélection naturelle favoriserait-elle ainsi les meilleurs apnéistes ?
8) Un cannibalisme au service de la transmission des gênes paternels
Le cannibalisme intra-utérin est reconnu chez le requin taureau Carcharias taurus. Cependant, les raisons intrinsèques d’un tel comportement ne s’expliquaient pas clairement. Chapman et al. ont testé une théorie intéressante selon laquelle ce cannibalisme aurait pour objectif de favoriser un unique génome mâle. Les femelles de certaines espèces comme le requin taureau sont connues pour s’accoupler plusieurs fois avec différents mâles et pour posséder un réservoir permettant de retarder la fécondation aux périodes les plus favorables. Ainsi plusieurs individus de pères différents peuvent naître dans l’utérus de la femelle. Dans le cadre de cette étude, des analyses génétiques réalisées sur les embryons de 15 femelles ont pu ettre en évidence une polyandrie (reproduction avec plusieurs mâles) chez 60 % d’entre elles. Ainsi la transmission des gênes est incroyablement dure chez le requin taureau. L’accouplement et la fécondation ne suffisent pas à garantir cette dernière. Les embryons les plus rapides à éclore et les plus voraces possèderont donc la meilleure fitness et seront exclusivement sélectionnés afin à leur tour de transmettre leurs gênes. Difficile de boucler la boucle quand on est un mâle de requin taureau !
9) Le rôle de la queue du requin renard
Nous nous en doutions déjà un peu, mais voilà que le comportement de chasse du requin renard Alopias pelagicus vient d’être finement décrit. Une queue faisant quasiment la moitié de son corps, dont il se sert pour assommer violemment ses proies (majoritairement des sardines) et ceci quelque soit l’heure de la journée. L’étude de Oliver et al., s’est basée sur l’analyse de 61 observations vidéo de prédation. A noter, la description de deux techniques différentes et complémentaires. D’une part, l’entrée au sein d’une boule de sardines se soldant par une attaque violente et innatendue « par dessus la tête » et d’autre part le contournement d’un banc pour une attaque qui nous paraissait plus évidente via un puissant coup de queue latéral.
10) L’anthropologie au service de l’étude des communautés passées
Cela peut paraître évident après coup et pourtant… Une équipe de chercheurs s’est intéressée de près aux communautés de requins des îles Gilbert (Pacifique centre). Pour cela, une analyse des dents de requins conservées au museum naturel local a été réalisée. Jusque là rien de surprenant. L’originalité de cette étude repose sur le fait qu’elle s’est basée sur l’analyse d’objets conservés dans les archives anthropologiques du museum. Effectivement, ceux sont d’anciennes armes constituées de dents de requins qui ont été expertisées ! Ainsi, il a pu être mis en évidence que des espèces régulièrement inventoriées à la fin du 19 ème siècle comme le requin à queue tachetée (Carcharhinus sorrah) et le requin obscure (Carcharhinus obscurus) n’avaient jamais été observées dans la région et n’étaient plus présents à ce jour au sein des écosystèmes de ces mêmes îles. Voici une mise en évidence originale de la disparition de certaines espèces de requins et de la modification globale des écosystèmes des îles Gilbert. Originale mais toujours triste…
11) Le rôle des requins dans l’équilibre des écosystèmes coralliens
Voici un titre évocateur, qui parle à tout le monde, qui a été repris maintes et maintes fois. Cependant le message ne passe pas toujours… Mais les scientifiques insistent ! Une nouvelle étude démontre ici qu’une diminution de l’abondance des requins amène à un déséquilibre dans l’écosystème qui se matérialise par une augmentation des espèces de niveau trophique intermédiaire (ici majoritairement carnivores) et donc une diminution des consommateurs primaires (herbivores)… Rien de bien nouveau, une cascade trophique presque digne d’un cas d’école. Cependant, les auteurs soulignent un point important. Dans un contexte où blanchissement de corail et tempêtes destructrices sont observées et représentent un stress majeur amenant à la dévitalisation ou à la destruction mécanique des écosystèmes coralliens, il s’avère que les algues prolifèrent et occupent les niches écologiques laissées vacantes. Quel est alors l’impact d’une disparition significative des herbivores du fait de la diminution des populations de requins sur les capacités de résilience (de récupération) des écosystèmes coralliens ? Une question très intéressante qui nous rappelle la vision écosystémique nécessaire en écologie.
12) Le secret des rassemblement de requins baleines au Mexique enfin révélé ?
Les requins baleines, Rhincodon typus, se retrouvent chaque année en période estivale au nord-est de la péninsule du Yucatan au Mexique. Le point de rendez-vous dans ces eaux riches est bien connu depuis longtemps. Mais d’où viennent-ils et qu’advient-il de tous ces individus une fois la saison estivale passée. Telle est la question que se sont posées Hueter et al.. Par l’utilisation entre 2003 et 2012 de différentes méthodes de suivis (marquages, photo-identification), l’équipe de scientifiques a pu mettre en évidence des migrations d’arrivée et de retours de divers horizons, de fréquence et d’amplitude considérées comme importantes. Certains individus sont revenus jusqu’à six fois au moins dans la péninsule du Yucatan pour la période estivale. Une femelle de 7,5 m a montré une migration de plus de 7 000 km suite à son marquage et ceci en seulement 150 jours. Ces observations confirment la nécessité d’une gestion globale de l’espèce, sans frontières, qui présente une politique commune et concertée.
13) Une estimation pessimiste de la mortalité globale des requins dans le monde
Ce document fournit la première estimation globale de la mortalité des requins, ainsi qu’une comparaison entre le nombre de requins tués chaque année et le nombre naturellement remplacés. En 2000 et 2010, la mortalité totale des requins a été estimée à 100 puis 97 millions de requins. Ces estimations pourraient atteindre selon les auteurs 273 millions d’individus… Malgré de nombreuses hypothèses en raison du manque de données dans de nombreux cas, les conclusions sont alarmantes, preuves que des politiques de conservation plus strictes sont nécessaires.
« Rédaction et review des articles scientifiques par Matthieu Lapinski »
« Sélection des articles par le Dr David Shiffman (USA) »